1939-1943 |
La Guerre de 39-45 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
mars 2001 N° 13
Les écoles et autres administrations reçoivent le livret de 1938 : INSTRUCTION PROVISOIRE SUR LA LUTTE CONTRE LES INCENDIES PROVOQUÉS PAR LES BOMBARDEMENTS AÉRIENS complété par une NOTICE SUR LES MESURES À APPLIQUER EN CAS DE SURPRISE PAR LES GAZ datée du 18 janvier 1939. A la suite d'un arrêté municipal de février sur la Défense Passive a lieu le premier exercice; le 7 mars de 19 à 20h30, extinction de toute lumière dans la ville provoquant un inquiétant théâtre d'ombres auquel assistent les autorités civiles et militaires depuis la terrasse de N D de la Garde.
LA DEFENSE PASSIVE
Enregistré sous le matricule 1255, Alexandre Albenois agé de plus de 40 ans fait parti du 10° secteur basé au 12 rue d'Endoume. Il est adjoint au chef du groupe D, ilot n° 2. Les postes de secours sont basés:
Le Ministère de la Défense et de la Guerre diffuse une notice des mesures à prendre en cas d'alerte dès 1938. Mais dès la 1° alerte, le 1° juin 1940, les agents de la Défense Passive ont des difficultés pour repousser les curieux vers les abris.
Le sifflet d'André Pépé retentit souvent les soirs d'été, vallon de la Baudille, rappelant à l'ordre quelque riverain ne fermant pas ses persiennes (réglementairement couvertes de papier bleu). Contraintes de guerre décrites avec humour par Henri Verneuil dans Mayrig. "Un service de Défense Passive composé de volontaires du quartier, nous obligeaient à barbouiller nos ampoules électriques en bleu pour atténuer les points lumineux qui, disait-on, signaleraient la ville aux éventuels bombardiers. Nos vitres devaient être protégées par des rubans adhésifs qui se croisaient pour éviter les éclats en cas de bombardements. Un coup de sifflet strident, appuyé d'une amende, imposait l'extinction de toute cigarette, qui, par son bout incandescent, risquait de mettre Marseille en danger de destruction".
Les restrictions
Les rations alimentaires limitées varient selon les catégories de consommateurs : E (moins de 3 ans), J1 (3 à 6 ans), J2 (6 à 13 ans), J3 (13 à 21 ans), T (21 à 70 ans, travailleurs de force), C (cultivateurs), A (autres adultes) V (plus de 70 ans). Les E, J, V ont droit à plus de lait, les T à plus de vin. Les journaux donnent quotidiennement la liste des denrées servies : le jour des œufs (1ou 2 selon la catégorie), celui des pommes de terre…
Les ménagères, selon les conseils de la Croix-Rouge, confectionnent et utilisent une marmite norvégienne pour économiser le gaz. Dans un grand récipient capitonné on enferme une marmite plus petite contenant des aliments dont la cuisson a été lancée sur la gazinière et qui s'achève dans ce précurseur de la cocotte-minute.
Dans un autre journal on explique la confection d'un ersatz de mayonnaise par gonflement de bentonite (sorte d'argile) dans l'eau ; on ajoute à cette gelée un peu de soude, du vinaigre et des épices !
Affiche du Secrétariat d'Etat à la Famille et à la Santé de 1943.
Grille-café bricolé avec des boites de conserves
Restrictions et système D Le charbon : la poussière récupérée au fond de la charbonnière est mélangée à du papier mouillé et pétrie en forme de "boulets". Le café : on grille des pois chiches et autres céréales et on se satisfait de cet ersatz édulcoré à la saccharine.
Les tickets conservés par les familles correspondent à l'année de leur suppression 1947, 1948.
Les cartes d'alimentation et coupons ci-dessus établis à la naissance d'un bébé ont été utilisés jusqu'en juillet 1949 pour l'obtention de lait et de charbon.
Les Juifs à Bompard L'hôtel Bompard réquisitionné par la Préfecture des B du R accueille à la fin de l'année 1940 une centaine de femmes et enfants juifs chassés d'Europe centrale, les hommes étant détenus au camp des Milles. Ces femmes vivent à l'hôtel dans des conditions précaires, les enfants cependant vont à l'école. En août 1942, elles sont contraintes de rejoindre leurs maris aux Milles, certaines emmènent leurs enfants, d'autres, sur les conseils de l'agent préfectoral, les laissent à une association qui les aidera les à rallier l'Amérique. Cet épisode douloureux est décrit dans un livre américain sur l'histoire des réfugiés et intégré dans deux romans. The Hunted Children de Donald A Lowrie. (Les enfants pourchassés) Présentation du livre et de l'auteur. L'auteur a travaillé pendant les deux guerres mondiales pour soulager la souffrance des réfugiés, des civils internés et des prisonniers de guerre à travers l'Europe. Durant la dure période de 1940 où les Allemands avançaient vers Paris, un flot de réfugiés incomparable dans l'histoire fuyait sous le chaud soleil de juin jusque dans le Sud ; la France, fidèle à son idéal, accepta ce flot humain et quand la défaite arriva, le nombre des étrangers en France était 1/10 du total de la population. Donald A Lowrie dans The Hunted Children raconte l'histoire non seulement de ces réfugiés mais aussi du courageux peuple engagé dans une œuvre de secours avec comme résultat une dizaine de milliers de vies sauvées. Les organisations travaillaient à sauver les sans secours des camps de concentration et d'adoucir le sort de ces internés. La vie était une ronde infernale d'efforts pour procurer des visa…contrefaire des passeports…faire passer en contrebande au-delà des frontières soldats et civils…cacher les réfugiés. Et il y avait des efforts particuliers en faveur des enfants, orphelins quand leurs parents étaient tués ou déportés vers l'Est par les Allemands, au temps de l'occupation totale de la France, quand héberger un Juif était un acte de trahison. Texte de D A Lowrie traduit de l'anglais. Le 13 août 1942,nous envoyâmes ce câble au quartier général de JOC à New York :
Dix jours plus tard ce que nous craignions depuis des mois se produisait. Nous savions que les Allemands avaient transporté des centaines de Juifs de la zone occupée vers une destination inconnue, mais c'était la première fois que les nazis étaient entrés dans des lieux que eux et Pétain appelaient la France Libre. A Marseille, l'ensemble de ces raids dans les hôtels en août nous atteint avec une grande force. Les deux hôtels modestes, dont nous parlons dans notre câble étaient principalement occupés par des Juifs qui possédaient des moyens suffisants pour éviter l'internement dans des camps. Les malheureux étaient sortis de leurs lits à quatre heures du matin, ayant juste le temps de s'habiller, informés d'avoir à prendre une couverture et de la nourriture pour la journée. Conduits dans des camions jusqu'à la gare, jetés dans des wagons de marchandises jusqu'aux Milles. Ce qui arrivait là était terreur et douleur difficile à imaginer. Des protestations du monde entier arrivèrent à Vichy. J'ai demandé un rendez-vous à Pétain, le résultat fut nul. Le vieux maréchal ne pouvait rien faire, totalement contré par Laval. La tirade de ce dernier contre les Juifs montrait qu'il approuvait les mesures atroces prises à leur égard."
Un chocolat chez Hanselmann de Rosette Loy. Ce matin d'août 1942, il s'était retrouvé devant le cordon de policiers qui barrait l'accès à la rue de l'hôtel Bompard. Dans l'hôtel, des femmes et des enfants étaient enfermés, essentiellement des juives allemandes et des pays de l'Europe de l'Est. C'était un lundi… Ils étaient entrés en contact avec les Eclaireurs israélites de France et l'O.S.E., un organisme juif de secours à l'enfance…La mère avait été transférée à Drancy, en zone occupée…Ensuite, ils s'étaient adressés à l' H.Y.C.E.M. qui était un organisme international moins vulnérable à ce moment-là".
"La rue des Flots Bleus, c'est un joli nom, remarqua Sarah d'une voix heureuse. Je n'aime pas cette rue dit la petite Rose. Elle me fait peur. Sarah vit une adorable rue toute blanche sous le ciel bleu. On devinait de beaux jardins derrière les murs et les toits roses des villas mettaient des lueurs d'aurore entre les branches des pins qui dépassaient le mur. La rue était paisible comme un tableau. Ecoute, dit la petite. Une rumeur leur parvint, confuse, impressionnante. C'était le vacarme sourd et rauque que ferait une foule enfermée dans une prison. Sarah aperçut alors, presque au bout de la rue des Flots Bleus, l'unique et insolite immeuble de ce quartier de villas… Quand Sarah et l'enfant ne furent plus qu'à une centaine de mètres, ce fut le déchaînement. Toute la maison hurlait avec des pleurs, des cris et des appels. Aux fenêtres les têtes s'agitaient, des bras jaillissaient et faisaient des signes éperdus. Un carré de papier fut jeté par l'une de ces mains désespérées et il descendit en voltigeant le long de la façade. Sarah s'élança, le regard fixé sur le papier que le vent écartait du mur. Elle tendit la main vers lui, et poussa un cri : de la maison sortait en trombe un Allemand, la mitraillette au poing. Un énorme chien la heurta. Derrière elle, un bruit de bottes galopa sur le trottoir, puis un autre retentit sur sa gauche. En quelques secondes elle était cernée par trois sentinelles. Elle s'arrêta affolée. Toute la maison au-dessus d'elle hurlait. Sur le trottoir, le petit papier blanc. L'Allemand à la mitraillette la ramassa. Sarah sentait contre ses jambes le souffle chaud du chien. L'Allemand déchira le billet, jeta les débris par terre et les racla avec sa botte jusqu'à ce qu'ils soient émiettés, écrasés dans la pierre du trottoir. Puis il haussa les épaules et rentra dans l'hôtel. Alors le hurlement de toutes les fenêtres tomba sur elle comme un tourbillon. La petite fille se mit à pleurer. Sarah courait, seule au monde, avec ce cri à ses trousses, dans une rue de cauchemar…les villas heureuses avaient disparu, englouties derrière ces murs terrifiants, blancs comme des sépulcres."
Les Juifs français Mr et Mme Ben Saudo tiennent la chemiserie "Le Gaspilleur" rue d'Endoume. Lorsqu'ils sont arrêtés, leurs deux plus jeunes enfants fréquentent le pensionnat Ste Thérèse de Lisieux, rue Aicard ; aux policiers français venus les chercher Mlle Ventujol répond qu'ils sont absents ; elle les cache un certain temps. La fille aînée, élève à la rue de la rue Clothilde est aussi protégée par la directrice de cette école, mais sachant sa famille détenue, elle craque et va se livrer aux bourreaux. Mr Malafré agent de police, informé de la grande rafle qui se prépare, prévient à temps ses voisins, Mr et Mme Pariante qui peuvent fuir le 19 rue Berle par les jardins. Mr Gallorini, complète les maigres revenus de son épicerie 39 bd Bompard, par des travaux de jardinage impasse de la Lune, lorsqu'il entend des murmures derrière les feuillages ; il s'approche doucement et saisit quelques mots en italiens. Sa connaissance de la langue lui permet de converser avec le couple juif caché dans une grotte derrière un rideau de lierre, et qui espère avec ses pièces d'or se procurer un prochain passage vers l'Amérique.
Interdictions Le couvre-feu immobilise la ville de 20 h à 4 h du matin. L'occupant protège la colline d'un éventuel débarquement par un rempart de béton de 2m de haut en bord de mer et des casemates ou blockhaus munis de meurtrières dans les jardins des villas occupées, barre les rues avec des chicanes, des chevaux de frise.
Meurtrière dans le parc de la Villa Valmer
Ainsi de nombreux enfants partent vers des zones rurales moins menacées que les rives méditerranéennes. Ceux qui ne sont pas évacués trouvent dans les colonies de vacances l'occasion de mieux s'alimenter, le temps d'un séjour.
Les écoliers et la guerre Les effectifs des classes diminuent, les restrictions augmentent : plus de livres, peu de cahiers (un cahier, malgré une très mauvaise qualité, sert deux fois : comme cahier de brouillon avec écriture au crayon, puis comme cahier du jour en écrivant avec de l'encre). Pour pallier aux carences de la sous alimentation, on distribue aux élèves d'infectes gélules marrons à base d'huile de foie de morue que les enfants recrachent le plus souvent dans leur cartable, et des comprimés roses acidulés, sucés comme des bonbons. "Ils nous prennent tout" disent les ménagères obligées de s'inscrire chez un seul fournisseur. L'occupant prend tout ce qui lui fait plaisir et ne laisse aux Marseillais que ce qui ne lui sert pas.
La sous alimentation des écoliers est décrite par D A Lowrie dans le livre "Les Enfants Pourchassés"
Occupation des maisons en fonction de leur position intéressante sur les crêtes.
MARSEILLE ZONE OCCUPÉE
Casemate-abri rue des Flots Bleus, meurtrière rue du Dr Fr Granier (A la destruction impossible)
Le personnel de la Kriegsmarine pose dans le jardin de la villa occupée (photo retrouvée à la Libération, villa Le Pin, Bd Amédée Autran) Dans le livre "LA MAISON ASSASSINÉE", Georges Hubert Gimmig relate l'occupation de la "Campagne" par la Kriesgmarine et la construction de la caserne souterraine qui défigura la colline à tout jamais. La forteresse souterraine va de la côte 65 à la côte 82. Le groupe scolaire A Autran est bâti sur l'emplacement du "château" Gimmig. Vue du Val Emeraude, la colline sous laquelle fut creusé le souterrain. Un chemin pavé de dalles numérotées, scellées par du béton armé est le seul vestige visible de l'aménagement de l'entrée (du matériel) par l'armée allemande.
Deux tunnels d'entrée au niveau de la côte 65 amènent à de longs couloirs voutés desservant de nombreuses salles grandes et petites (dépots d'armes, de vivres, puis infirmerie et salle d'opération à la Libération).
Souvenirs d'escaliers champêtres les ayant précédés, évoqués dans "La maison assassinée" : "Quatre marches ensuite, et une allée coudée brusquement à gauche menaient au-dessus d'un petit verger, transformé plus tard en champ de vignes…une volée d'escaliers menait ensuite au fond du fruitier, sous une treille portant des olivettes. A angle droit s'amorçait l'allée le traversant tout entier, et empruntant deux volées d'une douzaine de marches de brique, qui rejoignaient les deux paliers du terrain." Dans LE PETIT MARSEILLAIS du 25 janvier 1944 paraît cet avis
Complété par des affiches le 21 avril 1944 Les cabanons du Prophète sont aussi réquisitionnés pour des raisons d'ordre militaire, non occupés mais devant rester ouverts après l'évacuation. Le Service Municipal du Logement créé à cet effet, réquisitionne à son tour les logements vides pour y placer les évacués, à qui on conseille toute fois "Si votre présence n'est pas indispensable à Marseille, quittez volontairement la ville". Un transporteur est mis à leur disposition (au tarif réglementaire). Des indemnités sont versées aux locataires évacués qui continuent cependant à payer leur loyer s'ils veulent conserver leurs droits, ou aux propriétaires en cas contraire. Le Service des Réfugiés alloue un bon de transport gratuit et un mobilier sommaire aux Evacués. (lit, armoire, table, chaises, buffet) Pour toute démarche il faut présenter sa carte d'identité et sa carte d'alimentation.
Mme Boullevault a dû cuisiner plusieurs jours dans ces mêmes lieux pendant la libération du quartier. L'indication ABRI a perduré longtemps sur les murs du 137, puis l'usure du temps ou des travaux de réfection ont amené l'oubli.
Reste en souvenir ce petit pendentif d'époque conservé comme un porte-bonheur pendant six ans par B. Bonavia, prisonnier de guerre en Allemagne.
Timbre de 1943 "Au profit du Secours national" Textes et documents photo, composition : Monique Bonavia-Michelet. Editeur : Association "La Butte Bompard" Mars 2001 Avec la participation des familles Albenois-Brisson, Anzini, Boyer, Coen-Rudloff, Garella, Gras-Leporini, Malafré, Martini. Le livre "The Hunted Children" de D. A. Lowrie est parvenu à l'Association grâce à une chaîne d'amitié : demandé par J. de Catheu à Mme Anderson veuve de l'ancien consul des USA à Marseille qui l'a cherché, trouvé et expédié de Floride, il a été ensuite traduit par S. Maurin, professeur d'anglais. Reproduction même partielle non autorisée sans l'accord des auteurs. |