Guinguettes, bars, cinémas. Fêtes et animations Imprimer
La vie culturelle et artistique

Octobre 1999 N° 5

 


Le Bien-Être, tableau appartenant à C. Crema
 

"A la bonne femme"


Au-dessus d'un ancien bar, 2 rue de la Colline, quelques fragments de peinture ocre donnent lieu à des interprétations les plus diverses. Cette femme sans tête est un vrai mystère pour le quartier.

 


Cependant, une information parue dans la revue "l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux" donne un éclairage nouveau sur notre mystérieuse bonne femme. Au XVII° siècle, à Paris, une auberge arbore gaillardement cette enseigne-rébus "tout en est bon" avec aussi une femme sans tête. Au XIX° siècle, la même enseigne à Turin laisse imaginer le rôle de cette "bonne femme";

En 2008, grâce à la ténacité de Louis Sambiasi et aux pinceaux de Richard Campana, la "bonne femme" a retrouvé des couleurs.



CAFÉS ET GUINGUETTES

 

Ces établissements jouent le rôle de cabanon collectif, le dimanche, pour une grande partie de la population. Dès 1885, l'indicateur marseillais signale plusieurs restaurants et cafés sur la colline :
Trav Bon Voisin, Baptiste Giay au 1 et A Michel (comestibles et restaurant).
Trav Perrinet-Pey, Hubert Goyet au 5.
Place st Eugène, le café de Jh Tabot est le siège du Cercle de la reine Hortense ; le café Richelieu est tenu par Simon Rey.
Un autre par Dlle Marceline Chapelle devient le siège du Cercle de l'Amitié en 1891 avec un nouveau propriétaire C Zachari.
Rue Ste Eugénie, le café de Charles Espaze.
Chemin du Vallon de l'Oriol, la brasserie des Dahlias, entre la traverse Bon Voisin et la rue Ardisson, et au n° 8 le café restaurant de Jules Journelleau, entre rue Ardisson et rue Peyronnet.

Il subsiste très peu de traces de ces lieux accueillant les promeneurs, les joueurs de boules et de cartes et aussi les danseurs du dimanche. Les peintures murales qui ornaient le 89 vallon de l'Oriol (peut-être les Dahlias cités plus haut) ou la salle au-dessus du bar Rialto au N° 29 ou encore le Bar Terminus (3 rue du Soleil) ne sont qu'un lointain souvenir pour les actuels propriétaires. Quant à la fameuse guinguette de l'Arlequin, aucune archive n'a permis de la localiser.

 


En 1990, quelques lettres témoignent encore de l'existence passée de La Terrasse : salle de bal et jeu de boules au 61 (actuel) du vallon de l'Oriol.

 




Beaucoup d'anciens se souviennent de l'orgue de barbarie menant la danse sur la terrasse du café-épicerie, chez Besson, 1 rue Peyronnet.

Les établissements en bord de mer perdurent jusqu'à l'agrandissement de la Corniche : le Bien-Etre, restaurant les pieds dans l'eau (en couverture).

 


Le Miramar, grand café restaurant et dancing très fréquenté le dimanche
et sa façade en lattes vertes, comme certains cabanons du Prophète.
Le Villepontoux, café-restaurant au-dessus de la plage du Prophète.
Inoubliable pour son site et ses glaces !

 

SUR LA CORNICHE

La Réserve : ce grand hôtel-restaurant créé à la fin du XIX° siècle par François Roubion est un établissement luxueux renommé pour sa bouillabaisse et son poisson.

 

Dans la crique de l'Oriol, un vivier à langoustes rappelle celui que Roubion utilisait au Pharo, dans l'Anse de la Réserve. Peut-être doit-on voir là le choix du nom "Réserve" à la place de "Palais de la Bouillabaisse" prévu initialement.
Pour des raisons d'insalubrité, le vivier est abandonné, mais la renommée de la Réserve s'étend.


Le Livre d'Or du Palace reçoit les signatures d'hôtes illustres : la reine Alexandra, la reine Victoria et le roi Edouard VII, le prince de Galles, le maréchal Foch, le maréchal Joffre, Clémenceau…

 


La terrasse avec vue panoramique sur la rade marseillaise
se prête admirablement aux repas de noces et aux banquets.

La pinède dans un cadre féerique…accueille parfois la fête paroissiale.
 

Le vivier abandonné de la Réserve est transformé en club de foot par Emile Pelatan en 1936, puis club de natation.


Dans l'anse de l'Oriol s'organisent diverses fêtes nautiques.
 

Courses, joutes, concours de pêche…

 



AU BORD DE LA MÉDITERRANÉE

Avec ses criques et ses plages tout le long de la Corniche, ce quartier se prête à de nombreuses manifestations sur la mer : joutes, concours de pêche, fête vénitienne, corso nautique…

 


Fête dans l'anse de l'Oriol.
 

Elles sont organisées par les associations nautiques :
Le Sporting Club Corniche (les Dauphins).
Le Yatching Club Prophète.
Grand concours de pêche à Marseille, entre le pont de le Fausse Monnaie et le petit port du Prophète, en juin 1914.
La Fédération des sociétés de pêche de Marseille, organisatrice de la manifestation, doit faire face à la grève générale des employés des tramways et réquisitionne un remorqueur pour acheminer les participants étrangers du Vieux-Port au Prophète.



Concourent de nombreux pêcheurs locaux ainsi que des clubs de la région aux noms évocateurs : Pataclé, St Pierre, Gireling, Cabanon-Bambou, Sans-Façons, Cougourdous…


Une fanfare niçoise conduit les braves pêcheurs sur la Corniche jusqu'au Roucas Blanc où les attend un banquet suivi de la traditionnelle distribution des prix.

Le port du Prophète sert de cadre à des animations populaires.

Les fêtes vénitiennes d'alors sont encore dans les mémoires des anciens.

 


La tarasque.

Le train nautique construit en 1950 par les membres du YCP.

 

 

Le 15 octobre 1931, vallon de la Baudille.


Inauguration du tennis.

L'équipe féminine avec Jo Bonavia (2° en bas à gauche).

 

 


 

LES BARS

Avant 1914, les établissements servant des boissons se nomment café, "vins et liqueurs" ou "liquoristes". Le terme bar, existant depuis 1860, apparaît dans le quartier, avec "tabac" ou seul, vers 1914.
Le nombre de ces commerces croît et se maintient jusqu'au changement de vie apporté par l'entrée de la télévision dans tous les foyers.
Ainsi, en 1920, sur Bompard, on compte trois bars (au 14, 20, 44)
et sept en 1936 (au 14, 15, 20, 41, 44, 80, 150).
Outre la rue d'Endoume, la place st Eugène, le bd Bompard ou le chemin du vallon de l'Oriol, les rues adjacentes : rue ste Eugénie, rue du Soleil, rue Peyronnet, sont aussi animées par leur bar.

 


Visite électorale au bar tabac, place st Eugène, vers 1930 :
Henri Tasso, maire de Marseille et Perlet, président du Conseil général
(les "Messieurs" portent un chapeau, les autres la casquette)

 

L'Aurore d'Autran
Sté philanthropique et artistique, fondée le 2 février 1931.


Son but est de venir en aide aux nécessiteux qui lui seront signalés et d'organiser des fêtes familiales… des soirées…des excursions…des concours…La cotisation est de 10f par mois.

Cette 1° année a lieu un concert au "Familial" (985 places), un gâteau des rois, une fête du mimosa : la branche coûte 2f pour les femmes et 3f pour les hommes.

Le 25 octobre 1932, un concert est donné au cinéma Bompard, au profit des chômeurs. Le prix des places est de 3f et 4f,.la caisse est tenue par C. Raffin. 1935, période de crise : 400f sont distribués aux malheureux.

 

 

 

Le comité des fêtes (ici Rinaldi, D. André, Apoca, Nicolini, Mancini, M. Vintimilla) n'a pas d'activités entre 1939 et 1944, hormis une aide financière de 250 f apportée à 12 prisonniers de guerre, 5 déportés, 7 STO, 5 nécessiteux (total 2944 f ) et un versement de 1670f à la Maison du prisonnier (20 bd Bompard). Le 21 mars 1948, un don de 500f est fait à l'Ecole d'Infirmières coloniales, imp. Carle, dont tout le monde connaît le dévouement désintéressé pour les gens du quartier qui ont besoin de soins.
Pour la sortie à Sausset du 21 mai 1948, 4 bons de 10L d'essence ont été obtenus à la Préfecture.

 

Fêtes du 14 juillet 1931


Des guirlandes traversent les rues, sur chaque maison flottent des drapeaux, aux fenêtres pendent lampions et bougies.

 


Le char de l'aubade gravit le bd Amédée Autran en fête
 

Les 4 jours de fête s'achèvent avec la remise du drapeau.

 


 

Le comité des fêtes

 


 
 

Mr. Viotti, Estelle, Victor, Mme Viotti posent devant leur bar (photo C Raffin)
 

Les femmes ne sont pas "membres" de l'Aurore d'Autran" et cela est naturel pour tous, même si elles participent à la vie du groupe. Après la guerre de 39-45, la société française évolue : les femmes obtiennent le droit de vote ; le conseil d'administration de l'Aurore ouvre la discussion sur l'admission de membres féminins.

 

 

A la réunion du C. I. Q.  Endoume du 14 avril 1937 est mise en place l'organisation de l'élection de la plus belle marseillaise, prévue pour les fêtes du 1° mai, au cinéma Bompard. Mais trop peu de candidates se présentent et l'élection est annulée.

 


 

Le banquet annuel de la République Endoumoise se déroule dans la cour derrière le Bar Henri, rue Ste Eugénie, en 1933.

 


Au fond : Poggi, Gianni, Casi, Liégeois, Bonassi, Barsotti, Bayol, Mlle Barsotti<Au milieu : Louis Stamignani, Perlet, Rispoli, Tasso (maire de Marseille), Liégeois (maire d'Endoume), Rispoli fils, Mme Liégeois, Bonassi, Caillol, Bayol, Cini (propriétaire du bar), Mme Cini, X…
Devant : Sconamiglio, Fissori, le boulanger, Callier, le beau-frère de Fissori.


Dans le magasin de décoration, 14 bd Bompard, les murs conservent le style art-déco du Glacier-Bar. (enseigne photographié en 1989)

Le Bar de la Renaissance est le siège d'une société musicale, les "Epongeurs" dont le drapeau comporte 2 éponges !

Le Bar de la Station est le siège de La Clique (ici vers 1930)
et aussi de la République Endoumoise.
 

L'Estudiantina, cercle mandoliniste dirigé par Marius Leporini.

 

LES JEUX DE BOULES

 

Les bars qui possèdent un bout de terrain accueillent les boulistes.
Bar, 8 place st Eugène : la Boule Eugène présidée par Sèveran
Bar Autran : la Boule Autranaise
ainsi que le bar La Terrasse, le bar Le Petit Parisien, le bar le Platane, le cercle l'Avant-Garde.

 

 
Les boulistes du vallon de l'Oriol jouent sur le terrain devant la maison que louait l'artiste Silvain (à la place de l'actuel 249).

Sur le Plateau Machard, les boulistes jouent dans une pinède ; les garçons les rejoignent en escaladant la falaise (depuis disparue sous l'immeuble, 81 bd Bompard).

 

Après la guerre de 14-18, le Dr Besson commémore le 14 juillet en tirant du canon depuis la terrasse de sa villa "Chrysanthème" en-bas de la traverse Chanot.

Pour renouer avec les traditions d'Avant-guerre, une grande fête a lieu le 14 juillet 1948, au bas du vallon de l'Oriol. Tables et chaises occupent toute la chaussée. De nombreux artistes y participent dont la chanteuse Clairette et aussi La Palma (qui habite le vallon).

 



Le Vélo-Club-Corniche fête sa création en 1948 au vallon de l'Oriol. Aux côtes de M et Mme Degli, commerçants au vallon, le "Provençal" note la présence de :
Argeo, Souchon, Dejeux, dirigeants du club
M Jochmunsen, consul d'Islande, président d'honneur du VCC
Gaston Defferre député-maire et M Lustac du "Provençal"
Remy, Decanali (champion olympique), A Barbaroux, et Y Ulpat, les coureurs cyclistes.

Dans la journée, les tables et les chaises du bar de l'Etoile s'étalent le long de la rue d'Endoume, près de la rue de l'Etoile, ex rue Guinot.

Melchior Guinot, qui possédait de nombreuses parcelles sur la colline de la Garde, était aussi propriétaire de l'huilerie de l'Etoile.

 


La terrasse du bar de la Station , juste devant l'arrêt des tramways.


 

 

SUR LA COLLINE

Les enfants trouvent un terrain de jeu idéal sur le bd Marius Thomas, colline à l'état naturel avec rochers, terre et herbes folles. Ils peuvent y lancer des cerfs-volants ou fabriquer des "pendules" avec une herbe en vrille ramassée là, sur la "montagne".
Les fillettes fabriquent des "souvenirs" : elles creusent un petit trou, y déposent une fleur ou un petit objet, puis le couvrent d'un tesson de bouteille.
Les garçons jouent à "chincherinel", tapant avec un premier bâton sur un deuxième qui saute et qu'il faut rattraper en plein vol. Avec un goulot de bouteille, un vieux gant et des cuirs de cheval, ils créent des tourniquets. D'autres étrennent le diabolo fabriqué par le tourneur sur bois du vieux chemin d'Endoume qui s'est mis à la mode.
Les jeunes fument de la mauve séchée et parfois un gitan, tondeur de chien, fait la joie de tous en montrant son ours.

Le soir, et surtout l'été, la rue est occupée par les adultes : chacun sort sa chaise et son ouvrage pour prendre le frais et papoter sur le pas de la porte. Au bd M. Thomas, on fait une exception pour le 15 août. Ce jour-là, on fête la St Marius : les habitants qui se sont cotisés peuvent assister à un feu d'artifice, tiré depuis le coin de la Gavelière.

Même une fois goudronnée, la rue reste le terrain de jeu des enfants : les fillettes y tracent des marelles, jouent à la balle au mur, sautent à la corde ou à chat perché. Elles ne sont dérangées, que par les carrioles des garçons, passant au milieu des cris et des rires. Elles sont admiratives et quelque peu envieuses, car la carriole est le domaine réservé des garçons : ils la construisent avec quelques planches, des roulements à bille et une corde fixée sur l'axe de direction et eux seuls dévalent les rues en pente.

 

LES CINÉMAS

 

Dans la cité phocéenne, la 1° projection de film a lieu le 6 mars 1896 ; en 1906 la ville compte 3 salles de projection et 32 en 1914.
Un "cinématographe" fonctionne dès 1912 au 133 rue d'Endoume (propriétaire F. Granier).
Construit en bois, il offre des bancs ou des chaises selon le prix de la place.
En 1922, la 1° version des Mystères de Paris passe à l'Impérial Cinéma, propriétaires Eidel et Charvin jusqu'en 1946, puis Valayan jusqu'à 1966.
1924, R. Gallati ouvre le Familial Cinéma au 107 rue d'Endoume qui prend le nom de Palace Cinéma en 1940, puis de Forum en 1945.
 

 

Le Bompard (propriétaires L Maurel et J Chivalier) est construit en planches en 1927, puis en briques et enfin en véritable maçonnerie en 1931 (par l'entreprise Caillol). L'ambiance y est très familiale ; à l'entracte Angèle Chaillol (de 1939 à 1964) propose glaces et bonbons à déguster pendant que les "réclames" occupent l'écran.

 

 

Le Bompard et le Familial accueillent entre 1931 et 1954, fêtes et concerts organisés par l'Aurore d'Autran au profit des enfants, des nécessiteux, des chômeurs avec la participation de Fernandel, d'Yves Montand ou de Reda Caire.

En 1971, les enfants de la maternelle "la Gavelière " sont témoins de la fin d'un cinéma de quartier : le Bompard ; ils l'écrivent dans leur journal. "En venant à l'école j'ai vu la pelle qui cassait le cinéma…on enlevait les sièges et on les mettait sur un gros camion…"
 
 
 
Le Théâtre Silvain :
 

ce site mythique pour tous les Marseillais, tient particulièrement au cœur de tous les habitants de la colline pour plusieurs raisons : le site, l'amour des opéras et opérettes, et les deux personnages créateurs du théâtre D Piazza et Silvain.

 

 

 

Dominique Piazza, inventeur de la carte postale illustrée, fondateur de la Sté des Excurs marseillais, habite rue Nicolais. Il se promène avec l'artiste Silvain lorsque tous deux sont surpris par l'acoustique extraordinaire du vallon de la Fausse Monnaie (les voix des joueurs de boules montent à eux distinctement). D Piazza achète le terrain et crée le théâtre. Silvain participe à l'inauguration le 14 juillet 1923.
M. L. Raffin se souvient de cette époque où les familles pouvaient s'installer dans la pinède sans maisons au-dessus du théâtre, profitant des spectacles durant les nuits d'été.

 

 


 

 

On ne peut parler des fêtes du quartier sans évoquer le "danseur mondain", Adolphe Roux, enveloppé dans une vaste cape, jouant l'oiseau blessé, mimant, chantant, ici comme "en ville" dans les cafés.

 

 

Les anciens évoquent aussi la chouette dominant l'entrée du domicile de Mme Roux mère, cartomancienne, et qui effrayait tous les pitchoun passant sur le plateau de l'Arlequin.

 


Le drapeau de l'Aurore d'Autran
photo Robert Maturo
 
Textes et documents photo, composition : Monique Bonavia-Michelet

Editeur : Association "La Butte Bompard"
Octobre 1999


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