Sur le versant occidental de la colline de la Garde Imprimer
Situation géographique

Juin 1999 - N° 1


La Corniche (R. Meyer)

 

Les actes de propriétés au milieu du 19°siècle ne donnaient pas des situations géographiques très précises aux parcelles citées :

 

Les extraits d'actes, ci-dessus, ont trait à des terrains sis : rue du Soleil, bd Marius Thomas, rue Perrinet-Pey.

 

Carte du relief de La Garde (1898)

 


"Cet assemblage chaotique de crêtes et de ravins, véritable fragment du cadre de Marseille égaré au milieu de son terroir, ce relief essentiellement tectonique écrase de sa masse et heurte de ses formes le reste du site qui se caractérise par un relief d'érosion."
Extrait de "Marseille" de Gaston Rambert.

 

LE RELIEF

Cette carte du relief du massif de La Garde (1898) fait apparaître nettement les fortes pentes et ravins qui descendent du sommet du dôme (150 m) jusqu'à la mer. Comme des tentacules, les crêtes enserrent les vallons, en particulier celle de Bompard qui domine le Vallon de l'Oriol d'une part, le Vallon de la Baudille de l'autre.

 

 

 

Sur la Corniche, le massif s'enfonce dans la mer.

Les éperons terminaux atteignent 60m. au point culminant de la traverse de Pey, 55m. au niveau du parc Montvert. Les fortes pentes se précipitent alors vers la mer où elles s'enfoncent, donnant à notre bord de Méditerranée ce relief chaotique qui fait son charme.


CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DU MASSIF DE LA GARDE

 

Le sommet ainsi que la crête centrale sont formés de calcaires blancs, très durs (-110 millions d'années).
A l'est et au centre se trouvent calcaires et calcaires argileux (-160 M.A).
En bordure de la Corniche on peut observer les calcaires et marnes ainsi que les dolomies grises(-175 M A).

 

 

Petit glossaire :
Dolomie :
roche calcaire d'aspect "ruiniforme".
Faciès : ensemble des caractères qui définissent un dépôt sédimentaire.
Faille : cassure d'un terrain et, éventuellement, déplacement d'une partie par rapport à l'autre.
Karst : ensemble des cavités naturelles (puits naturels verticaux, grottes) et des circulations d'eaux souterraines propres aux régions calcaires.

 



Esquisse géologique

Le secteur Bompard-Endoume (le massif de la Garde au sens très large) présente la particularité d'être en terme géologique, un massif d'âge secondaire composé de calcaire (carbonate de calcium) et dolomies (carbonate double de calcium-magnesium) qui du fait d'une tectonique chevauchante puis très cassante (failles verticales) s'est trouvé détaché des massifs de l'Etoile-Allauch situés plus au nord ; la dépression résultant de cette cassure constitue" le bassin oligocène", d'âge tertiaire de Marseille(l'ensemble des quartiers du centre ville) et correspond à une accumulation de matériaux torrentiels, au faciès très particulier allant des sables et argiles de St Henri-St André, des grès et poudingue que l'on retrouve régulièrement au détour des rues ou en façade maritime (quartier du Pharo,de la gare ou du Panier).

Les failles géologiques sont concentrées sensiblement dans le secteur Bompard-Endoume avec une conjonction entre une faille N-S (direction caserne Audeoud-parc Valmer), une faille NE-SO (direction du carrefour Bompard-Endoume vers le vallon de l'Oriol) et une petite faille remontant l'axe du vallon des Auffes;

L'urbanisation empêche le suivi des faciès géologiques, mais au gré d'affleurements épars dans les propriétés ou le long de la voirie (falaise de Samatan, falaise d'Endoume au-dessus du vallon des Auffes, remontée du chemin du Roucas Blanc) on observe la fracturation intense du massif calcaire qui a libéré de nombreux vides permettant la mise en place d'un karst et de circulations hydrogéologiques d'eaux douces localisés (nombreuses cavités et petits sourcins), soit plus complexes avec notamment des remontées d'eaux hydrothermales telles celles du Palm Beach, en limite du Roucas blanc qui sont des sources en relation et de même nature que les eaux sulfurées des Camoins en bordure du massif d'Allauch.

 

Malgré l'urbanisation continue, la colline et ses caractéristiques géologiques sont toujours présentes dans les rues et les jardins.

 

 



Rue Michel Gachet : découverte d'un puits rempli d'eau lors de la construction d'un immeuble, à l'emplacement même où jadis œuvraient des blanchisseuses. Le linge séchait alors sur la colline jusqu'au bd Marius Thomas

Rue Forest : une ancienne citerne, sous la maison, est toujours remplie d'une eau dont on ignore la provenance.

 

 

La roche calcaire perdure dans le sous-sol de nombreuses maisons centenaires ; des manifestations du phénomène karstique sont présentes dans les jardins (avens, grottes, sable, argile, eau…).

Tr Pey : le rocher affleure sur le sol de la cave. Un creux naturel, toujours rempli d'eau, était jadis, utilisé comme rafraîchisseur de bouteilles…

Rue du Soleil : sous le plancher, lors de travaux, on a découvert la roche sur laquelle coulait régulièrement de l'eau .

Bd Bompard : la maison a été construite sur une grotte. Pour en faciliter l'accès, lors des bombardements de 39-45, il fallut l'équiper d'une échelle de fer….

Bd Bompard : dans la cave, sous la boucherie Duret, se trouvait une cavité naturelle dans laquelle le maçon puisait le sable nécessaire à ses travaux….

Rue Berle : une autre cavité naturelle a été comblée lors de l'aménagement du jardin.

Rue de l'Ecole : la villa "les platanes" était surnommée le trou du  diable. Là aussi devait se trouver une cavité profonde.

Dans la cour du patronage, vallon de l'Oriol, les fillettes jouaient avec l'argile trouvée dans les anfractuosités du rocher.

Les eaux pluviales achevaient leur course au bas des voies pentues en se précipitant dans des puits naturels : rue de l'Ecole, rue Ardisson, rue Perrinet-Pey :
Dans cette rue, vers 1908, le petit Robert Lopez ne put sortir seul des eaux  tourbillonnantes accumulées au bas de la double pente, un jour de gros orage, avec terre et cailloux. Alertée par ses cris, madame Ovide sortit du dépôt de pain tout proche et vint le secourir.


GROTTES ET SOUTERRAINS


MYTHES ET RÉALITÉS


Cachées dans les jardins, sous les maisons, toutes sortes de cavités sont présentes sur notre colline.

 



Celle photographiée ci-dessus -de dimensions assez importantes-abrita une champignonnière sur le versant S.E du plateau Bompard. Elle servit d’abri contre les bombardements pendant la guerre de 39-45.


Reine Aurouze parlait d'un puits naturel sur le sol de la grotte, si profond, qu'elle entendait pendant très longtemps rebondir sur les parois calcaires, un caillou qu'elle y jetait.
Elle racontait aussi qu'un boyau allant jusqu'à la mer aurait été bouché par la propriétaire qui ne voulait pas d'ennuis avec les résistants et les occupants.

 

 

Le sol sablonneux de la grotte, jonché de détritus, n'est plus accessible, il est désormais impossible de connaître la réalité à son sujet.

 




Rue Martin-Brignaudy : lors du creusement d'un garage, avant guerre, on découvrit dans une excavation, deux sarcophages. Les bagues qu'ils contenaient furent transmises au Musée Borely : elles auraient appartenu à des prêtres celto-ligures. Malgré toutes les recherches entreprises à ce jour, on n'a pas pu retrouver la moindre trace confirmant cette histoire.

 

Les Ligures occupaient la région marseillaise depuis l'époque Néolithique ; les Celtes s'y sont établis avant les Grecs. La civilisation particulière qui en résulta avait pour habitude d'occuper les hauteurs. Rien ne nous empêche alors de rêver et d'imaginer un site religieux celto-ligure, dès l'Antiquité, sur la colline de la Garde.




Hydrologie


Signalée sur le cadastre de 1802, la fontaine de l'Oriol a disparu sous les travaux de voirie au début du siècle.



La source qui coulait au fond du vallon connut le même sort lors de la percée de l'avenue des Roches.

" Avant 1935, les bandes rivales de gamins d'Endoume et Vauban s'y rencontraient ; ils jetaient des planches sur le ruisseau et se battaient sur ces ponts de fortune " (souvenirs de Marius Miconi).

 

 

1999 : Une fontaine en trompe l'œil orne l'entrée du vallon.

 

 



"Le chemin de l'Oriol s'enfonce pour prendre le niveau d'un ruisseau qui passe sous la route neuve." A.Saurel
Dictionnaire de Marseille. 1875.

 

 

 



La végétation en 1785 entre Vagué à la Mar, chemin d'Endoume, et l'Arlequin.


Sur le cadastre de 1863

Dans la section N.D.de la Garde, les terres se répartissent ainsi :

Terres à vignes

540 ares

Pâtures

213 ares

Près

92 ares

Jardins

53 ares

Bois

43 ares

Broussailles

37 ares

Terres variées

23 ares

Total : 1001 ares pour 877 maisons


Le prix du terrain sur cette colline, difficile d'accès, n'est pas très élevé; les parcelles sont souvent de petites surfaces (1,2 ou 3 ares).

Rajol Jean Baptiste habite, en 1890, rue Ste Françoise et possède, traverse de l'Arlequin, 2 ares de terre à vigne.

Pin Marie, épouse Escoffier, demeure rue d'Aubagne et possède, rue de l'Ecole,  une terre à oliviers de 1,98 are.

 

 

 



Les grandes propriétés, peu nombreuses, couvrent de vastes espaces autour d'une maison rurale appelée "campagne" : rue va à la Mer, bd A.Autran, bd Bompard, rue Martin-Brignaudy, tr Bon Voisin, La Gavelière, vallon Jourdan.,vallon de l'Arlequin, Corniche-Baudille.

Etienne Joseph, tonnelier, habite rue du Petit Chantier ; il est propriétaire rue Vague à la Mer d'une pâture couvrant 27 ares.

Rigaud née Bompard Marie Joséphine demeure rue Breteuil 63 et possède 5 parcelles de terre à oliviers, section N.D. de la Garde, couvrant une surface de 34 ares.

 

Entre 1838 et 1871, Jacques Becazel possède de nombreuses parcelles, section N.D de la Garde, chemin d'Endoume /Vague à la Mer ; il les vend par la suite aux frères Etienne (Nicolas, Marius et César).
Pâture, 4 parcelles = 27 ares. Broussaille, 2 parcelles = 32 ares
Vigne, 3 parcelles = 80 ares. Labour, 4 parcelles = 42 ares.
Postes à feu, 3. Maisons, 2. Bâtiment rural, 1.

 

 

L'impasse Chazel, un chemin d'autrefois…


J.P. Chazel, en 1861 est propriétaire de quelques 30 parcelles entre vallon de l'Oriol et Baudille :
Pâture, 9 parcelles = 162 ares. Vigne, 6 parcelles = 69 ares.
Labour, 5 parcelles = 15 ares. Terre à oliviers, 3 ares
Bâtiment rural, maisons (5) et terrain inculte (3 ares)


En 1828, Jean Joseph et Rose Nouveau possèdent un vaste domaine (aujourd'hui il n'en reste que l'impasse qui porte leur nom) :
terre à oliviers, vigne (3), labour (3), poste à feu, maison de maître, maison de ménager, lavoir, bassin.

 



Dans cette zone rurale, se pratiquaient les cultures, l’élevage, mais aussi la chasse : des postes à feu se trouvaient rue Va-à-la -Mer, Bd A.Autran.



Vue du "château" La Garde.


La propriété après la guerre, défigurée par le creusement d'une caserne allemande souterraine, puis par les combats de la "libération" n'est plus que pâle fantôme de la colline provençale "à la végétation échevelée" dépeinte avec beaucoup de sensibilité dans le livre de G H Gimmig. La maison assassinée.

 

"A ce moment, nous étions encore vraiment à la campagne…

Chaque année, à l’automne, les grives passaient …et la préparation du poste à feu absorbait nos chasseurs…Philippe nettoyait consciencieusement la petite cabane de bois, au milieu de la colline, camouflait l’extérieur de branches de pin frais coupées…Les préparatifs terminés, on tendait l’oreille pour guetter la première grive qui annonçait les autres.

Monsieur, disait Philippe, un soir, j’ai beaucoup entendu chiquer aujourd’hui…C’était une émotion d’entendre les appelants chiquer, et de guetter la réponse de la passagère."

PÂTURES

Au cadastre (vers 1800) ainsi que sur les actes, de nombreuses parcelles étaient notées comme pâtures sur toute la colline.

 

 

 

 

Les témoignages des plus anciens habitants le confirment : ils ont vu des chèvres à la Gavelière, des vaches dans les 4 contours (av. David Dellepiane), des moutons traverse Pey.

 

Quel était l'usage de cette réserve d'eau (avec surverse) découverte lors de travaux, traverse Pey ?

 

 

 

Le cadastre et les actes de propriété font état de nombreuses pâtures en ces lieux (Veran / Pey).

 

 

 


Etait-elle liée à la buanderie mentionnée dans l'acte ci-dessus ou bien à la présence des moutons que certains se souviennent avoir vu paître là ?

 


 

Le canal de la Durance amène l'eau à Marseille "à ciel ouvert" en 1849.

Le terroir sera desservi plus tard.

 

 

L'eau du canal passait par-là….



Traverse Bon Voisin, sur un acte de propriété du 10 mars 1876, on lit :
"…est comprise dans la présente vente une langue de terrain qui se trouve en dehors du mur sud du dit jardin, qui est traversée par une rigole souterraine du canal…"

Concession d'eau de la Durance

 



Le Vallon Bellevue est compris dans la section syndicale d'Endoume (tracé bleu) pour la distribution de l'eau de la Durance.

La concession est de "dix centièmes de module à eau continue".

 

LES ARBRES



Au cabanon, l’exiguïté du terrain accueille le plus souvent un figuier apprécié pour son ombre et pour ses fruits ; il avoisine la citerne et le lavoir.

 

"En permanence, était appuyée contre le tronc, une boite de conserves, au bord découpé en larges dents de scies, et  montée au bout d’une perche. Cet instrument primitif permettait de cueillir les figues sans monter sur l’arbre."

G.H.Gimmig.La Maison Assassinée.


L’arrivée de l’eau de la Durance voit apparaître tilleuls ou platanes.
Les anciens se souviennent des platanes plantés :
devant le bar – angle rue Ste Eugénie/bd Bompard
devant le bar – angle rue Berle/bd Bompard.
devant l'épicerie – terminus Bompard.

 

 



Les platanes centenaires qui ombragent encore les avenues, les jardins publics et les cours d'écoles (ci dessus "la Gavelière") ont été plantés par l'administration municipale qui cherchait depuis le début du XIX° siècle une espèce robuste et s'adaptant bien au climat.

 

 

Sur les grands espaces des "campagnes", on plante des espèces plus sophistiquées ou exotiques : des mûriers, des micocouliers, des yuccas, des pittosporums, des cyprès, des vignes, des pins, et encore des agaves, des bambous lorsque le site, abrité du Mistral, le permet.




Dans les bassins d'ornement surgissent des nénuphars ou des lotus ; tout autour, des parterres de fleurs colorées animent les plates bandes en rocaille.

 

 


 

Alfred Saurel en 1875 dans son dictionnaire des B-du R remarquait

 

"Les botanistes trouvaient jadis sur les collines abruptes (d’Endoume) quelques plantes signalées par M.Derbes : convolvulus lineatus (liseron), silène brachypetala, trisotum neoletum, mesembryanthemum nodiflorum (ficoîde), trigonella foenum grecum, ("foin grec" apprécié par les bestiaux ), hyoseris scabra (chicoracée), echiium calicimum (vipérine), fort communes alors, maintenant, elles sont rares….

Il y a encore à Endoume quelques terrains incultes où l’on peut récolter : bellis annua (pâquerette), crithnum maritimun(les feuilles de ce "perce-pierre", préparées au vinaigre, étaient un condiment apprécié par les marins, en particuliers ), erodium littorum et erodium chium (plantes du bords de mer, mangées par les bestiaux), lotus allionii ( légumineuse des pâturages).

Dans les campagnes qui s’étalent sur le flan sud de N-D de la Garde, on capture le Deilephila Lineata butinant au crépuscule sur le centhrathus ruber (valériane mangée par les bestiaux). On a la chance d’y rencontrer le Charaxes Jasinus, magnifique exotique acclimaté sur le littoral provençal et qui tend à se propager dans notre localité partout où croit l’Artubus Unedo (arbousier) sur lequel vit sa remarquable chenille."


Toutes ces plantes sauvages des terrains arides ont tout d'abord nourri les bestiaux, c'est la cause première de leur disparition constatée par Alfred Saurel en 1875. Par la suite, l'occupation du sol par des maisons de plus en plus nombreuses et des jardins bien entretenus, les a éradiquées sur notre versant de la Garde.


Sur les collines qui entourent Marseille, on peut encore les observer dans le creux d'une roche ou entre les pierres d'un vieux mur.

 

 

 

Sur la roche calcaire, en bordure de la Corniche, l'eau s'échappe par de nombreuses fissures ; le service de la voirie a bâti un caniveau qui draine ce ruissellement permanent. Dans les creux de la paroi fleurit une végétation qui résiste aux embruns salés.



Textes et documents photo, composition :
Monique Bonavia-Michelet

Esquisse géologique et photos des sourcins
Rue Michel Gachet : Jean Fabre


Editeur : Association "La Butte Bompard"

Couchant sur N D de la Garde (M. Bonavia- Michelet)
 
Reproduction, même partielle non autorisée sans l'accord des auteurs